mardi 23 avril 2013

Dans la crypte de Fourvière, le temps de l'épreuve. l'acédie, la "gula"



A Fourvière, quand nous entrons dans l’église basse, sombre,  construite dans un  style roman aux puissantes colonnes,  l’atmosphère nous paraît pesante. Nous nous sentons oppressés. Cette église basse appelée improprement crypte, est éclairée par les quelques petits vitraux aux harmonies très douces, de Lucien Bégule. L’architecte, Pierre Bossan, l’a voulue ainsi, pour nous rappeler à l’humilité. Après tout, « humain » et « humble » puisent leurs racines dans « l’humus », la terre.
Nous sommes en effet, au cœur de nos contradictions humaines, de nos pesanteurs, de nos mauvaises passions qui se transforment vite en sept péchés capitaux répertoriés par les Pères de l’Eglise. Dans le chœur de la crypte, auprès de l’autel, nous trouvons un peu de réconfort auprès de Saint-Joseph. Il est, en effet, celui qui a maîtrisé les sept péchés capitaux symbolisés  par les mosaïques en tesselles de pierres multicolores, mosaïques réalisées par l’architecte associé Saint-Marie Perrin. Saint-Joseph  est celui qui nous aide à surmonter nos doutes, nos phobies, nos entraves, nos désordres passionnels.  Les visiteurs peuvent s’attarder sur la finesse et la beauté des divers animaux censés représenter nos défauts humains, pire nos vices. Les animaux n’y sont pour rien ; ils servent uniquement d’allégories.

Une parenthèse sur l’acédie improprement traduite par paresse, l’allégorie étant la tortue avec sa lourde , trop lourde carapace qui la ralentit dans sa marche. L’acédie est plutôt à situer du côté du poids de l’ennui,  de la difficulté d’agir, de la procrastination, de la tourmente existentielle peureuse qui met en danger la vertu d’espérance. Ce Blues de l’âme ronge les projets et invite à fuir l’état dans lequel on se trouve. Notre volonté est soumise aux tentations de tristesse. Evagre le Pontique a vécu une expérience de moine dans le désert égyptien au IVème siècle et s’est livré à une étude approfondie des tentations des moines anachorètes. Il a analysé le déroulement des pensées et des diverses obsessions qui entravaient la quiétude et la progression de la vie spirituelle des moines.  Il explique l’acédie comme étant principalement » le démon de midi » autrement dit le démon du milieu de la vie. Le démon qui frappe quand le moine a sa vie spirituelle bien rôdée, quand dans l’espace séculier, les gens ont accompli leur vie, qu’ils ont femme, mari, enfants, bonne profession bien installée et pourtant, ces personnes sont atteintes par une sorte de dégoût de la vie, de tiédeur mortifère. Quand arrive la tentation de l’acédie, Evagre demande aux moines de rester dans leur cellule, de ne pas prendre de décisions. Pour en savoir plus et aller aux sources du savoir, on peut trouver « Aux sources chrétiennes », le traité  «Sur  les pensées » ou le « Traité  pratique » ou « Le gnostique ».
Une autre parenthèse sur la « gula » dont l’allégorie est un loup qui dévore un os et prend bien soin d’en avoir un autre à manger, de le tenir sous sa patte même s’il est déjà repu. La « gula » est souvent traduite par gourmandise alors que celle-ci n’est pas un péché capital. La gourmandise est une faculté qui nous permet de goûter et savourer les fruits de la Création et du travail des hommes.
Quant à la gula, il s’agit de la gloutonnerie qui comprend deux aspects :
- le fait de ne jamais être rassasié et de manger sans modération c'est-à-dire de manger sans faire preuve de la vertu de tempérance.
- le fait de manger de manière désordonnée, autrement dit de se goinfrer, sans prendre soin de ce que l’on mange, sans prendre le temps d’apprécier la saveur des mets ou de les partager.

Impossible avec ces vices d’apprendre à ressentir le texte 33 du psautier:

« Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur. »

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