Une
personne qui a visité l'exposition Corpus Christi, m'a fait la judicieuse
réflexion suivante :
- Je ne me suis pas ennuyée pendant ma visite.- Beaucoup de périodes, des styles de peinture très différents. La richesse de l'humanité du Christ est bien mise en valeur. La vie divine est suggérée par de œuvres très émouvantes : Saint-Suaire sur un ensemble de soie, le dernier repas avec deux personnages troublants, la Communion de Fruchaud.Elle me dit encore:- J'ai apprécié vos explications sur certaine œuvres, et vous m'avez laissé découvrir les autres par moi-même.
Une autre visiteuse, juriste travaillant
à l'ancien palais de justice dit "les 24 colonnes" me parle de toiles
de Louis Cretey qui seraient au palais, mal mises en valeur, dans l'ombre.
Puis, elle change de sujet et s'extasie sur le
Christ ressuscité. Je suis toujours très émue quand je sens un émerveillement
intérieur intense chez quelqu’un face un une sculpture. Qu’est-ce qui dans
le corps, l’esprit, est touché si intensément? Le Saint, Fort, une des jambes encore dans le tombeau, venant du
Maine et Loire, exposé dans une niche entre deux salles. Sculpture très rare.
Nous venons de fêter La Miséricorde où l'on redit souvent la prière enseignée
par le christ à Sainte-Faustine: "Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu
Immortel, prends pitié de nous"
En quittant, cette sculpture, nous nous
trouvons face au magnifique Christ apparu à Marie-Madeleine. Nous savons
qu’elle va au tombeau de bon matin, « à l’aube, alors qu’il faisait encore
sombre ». Elle prend Jésus ressuscité, pour le jardinier. Ce jardinier
revêtu d'un manteau impérial et tenant sa bêche est d'une douceur à faire taire
les plus colériques. L’environnement naïf du jardin rend simple tout
prétentieux. Nous, humains, nous venons de l’humus. Evitons de l’oublier et
rabaissons nos naïves vaines gloires ! Ce tableau empreint de naïveté est en contraste avec un encadrement baroque!
Ma visiteuse découvrait avec ébahissement et
joie, des toiles jamais rencontrées.
Un couple avec deux jeunes enfants d'environ
7 et 10 ans dialoguent sous chaque œuvre. Ils n'ont visiblement pas envie de
renseignements supplémentaires. Je suis très étonnée car je capte des bribes de
conversation avant d'aller m'entretenir avec des personnes à propos des
"Christ à la colonne". En réalité, les parents demandent aux enfants
la description des scènes et j'entends les enfants dire : "ce roi porte
l'or et lui c'est l'encens ou peut-être la myrrhe" et un peu plus loin, la
petite de 10 ans répond à son père qui lui demande de raconter l'épisode de
Marie qui va arroser les pieds de Jésus, lors du repas chez Simon le pharisien.
Un bas-relief en bois sculpté avec beaucoup d’humour et de recul, nous donne à
voir ce repas. On aperçoit notamment un pharisien qui se lève et ajuste son lorgnon pour mieux voir la scène cocasse de la pècheresse. La fillette raconte magnifiquement cette épisode, pas si facile
pour une enfant de cet âge.
Le soir, je repense à toutes ces personnes
qui ont poussé la porte de l’expo. Dans ce musée, on ne vient pas uniquement
par amour de l'art mais aussi poussé par quelque chose qui nous habite
profondément, dans l'intime de soi. Quelque chose qui
nous humanise, qui nous élève tout en restant dans l'humilité. Je suis
admirative de ce couple qui a si bien su raconter les épisodes de la vie de
Jésus à leurs enfants. La comparaison jaillit aussitôt dans mon esprit:
"je n'ai pas réussi aussi bien avec mes propres enfants".
Plusieurs choses que je retiens pour mon
travail de guide:
- surtout proposer des explications, mais sans imposer ni un commentaire trop long, ni une présence accaparante; laisser aux gens le temps de l'émotion, le plaisir de la découverte. En somme mettre en route, suggérer, puis s’éclipser sur la pointe des pieds.- l'étonnement, quant à la diversité de réception des œuvres mais bien se garder de ne pas influencer.- Une exposition de styles variés ne lasse jamais.- la personnalité du Christ n'épuise pas le questionnement des artistes. Il est source continue d'art nouveau.
merci beaucoup de nous donner envie de voir les oeuvres à travers d'autres spectateurs.
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