lundi 17 novembre 2014

FOURVIERE ET SA FORET DE RELIQUAIRES



FOURVIERE ET SA FORET DE RELIQUAIRES

Exposition au Musée d’Art Religieux présentée en 2014.

Je traverse la forêt des reliquaires, staurothèques, monstrances, Châsses,  temples, Agnus Dei, jardins clos, la forêt de ces réceptacles diffusant les vertus de saints hommes et femmes. Ils sont là, debout, vivants et me guident au hasard des visiteurs. « Là, où les saints passent, Dieu passe » avait dit le curé d’Ars. Les visiteurs et moi-même, venons-nous rencontrer Dieu en compagnie de leurs reliques ou « restes » ?

Je rencontre une dame mexicaine accompagnée de son mari, qui déplie méticuleusement des carrés de tissu parfaitement repassés et les approche de chaque reliquaire avec une attention, un soin, un recueillement infinis.

Je m’entretiens avec une protestante. Elle ne vénère pas les reliques. Nous parlons de l’Ancien Testament, du manteau d’Elie qui a ouvert les eaux du Jourdain. Nous parlons d’Elisée. Au contact de ses ossements, un moabite est revenu à la vie. Elle a été la seule personne rencontrée lors de l’exposition, qui connaissait ces épisodes du livre des Rois. Heureux œcuménisme ! Nous les cathos, nous avons à apprendre à lire toute la Bible au contact des protestants. 

Et voilà, une historienne de l’Art, une vraie ! Elle travaille dans le monde de la Culture à la ville de Lyon. J’en arrive à lui parler du grand reliquaire donné par le Cardinal de Bonald pour la chapelle de l’Hôtel-Dieu. Il est poussiéreux et ça me désole. Elle m’assure qu’il va être restauré. Voilà une bonne nouvelle !

J’ai croisé un jeune homme descendant du Curé d’Ars, venu avec ses tantes américaines. Je leur montre le petit catéchisme de Jean-Marie Vianney. Elles sont très touchées. Lui, il tombe des nues quand je lui dis que son ancêtre a fait connaître ce petit village d’Ars dans le monde entier. Il va se pencher sur sa vie, me dit-il. L’a-t-il fait ?

Les lyonnais sont ravis d’apprendre que le premier livre imprimé à Lyon en vieux français, en 1476, est : La légende dorée de Jacques de Voragine. Ce manuel hagiographique relate la vie de 150 saints, et a été traduit du latin.

Quenicius martyr, Sainte-Ursule, patronne de la chapelle de la Sorbonne à Paris et sa magnifique légende (ou histoire ?), Saint-Patient, évêque de Lyon, Saint-François de Sales dont le magnifique buste-reliquaire nous introduit à la paisible vertu de douceur, les reliques dominicales… Et bien sûr, j’évoque à mes visiteurs, Saint-Louis, homme politique, roi, chantre de la justice et artisan de paix ; Il ramène en toute humilité, la couronne d’épines et l’enserre dans un écrin : la Sainte Chapelle ; Incroyable Chapelle, au milieu d’un immense palais de justice ; clin d’œil rappelant à une société française, laïque, que la vraie Justice vient de Dieu.

Quelle découverte ! Les jardins clos des moniales nous livrent au travers de superbes œuvres d’art à base de papiers de bible roulés, les méditations, contemplations de celles qui se sont totalement tournées vers le Christ et prient pour le monde.

Un éminent visiteur, en costume trois-pièces, vient me raconter l’historique du musée ; j’ai oublié de lui dire : « Je n’ai pas l’honneur de vous connaître ? ». Il m’aurait alors, décliné son identité.

En pérégrinant au gré de cette exposition, j’ai laissé advenir en moi,  l’expérience intime que l’on peut avoir au contact de personnes ayant  vécu des vertus particulières. Heureuses Béatitudes. Tout comme mon collier me renvoie à mon grand-oncle parti au XIXème siècle, sur l’Océanien,  en mission d’évangélisation de la Chine. Devenu sinologue réputé, Evêque de Pakhoï, il avait selon ses amis, « la Bonté en partage »

Je pense à Baudelaire, à ses Correspondances, et replace sa poésie dans cette forêt de reliquaires, loin de l’environnement naturel.

La nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles ;

L’homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l’observent à travers des regards familiers.

mercredi 29 octobre 2014

EVARISTO, Autoportrait avec Encarnación

Encarnación

Autoportrait avec Encarnación de 1979



A 13 ans, EVARISTO part avec sa mère et sa sœur, fuyant les dérives fascistes des politiques espagnoles. Durant ses années d’Exode, de douleurs, l’adolescent garde au plus profond de sa mémoire, le souvenir de cette représentation d’un tableau (probablement de MURILLO, dit-il) accrochée au mur de sa chambre d’enfant.
EVARISTO, jeune homme, arrive à Lyon. Il n’a pas le goût de s’apitoyer sur son sort, il travaille en usine et dans ses moments libres, il se rend au Musée des Beaux-Arts, découvre cette fois, le monde en grand de l’Art. Ses compatriotes, Zurbaran, Vélasquez,  El Greco …. Il peint.
Puis, il rencontre Encarnación qu’il va épouser.
J’observe le tableau Autoportrait avec Encarnación de 1979.
Il met en scène Evaristo et Encarnación. Ils sont habillés comme des grands de la Cour d’Espagne en plein âge d’or. Encarnación le domine majestueusement avec sa coiffe en cornette en vogue au XVIème siècle. Pas de doute, il lui fait confiance.
L’iris rouge, couleur inhabituelle pour cette fleur, symbolise-t-il  l’amour que ces deux êtres se portent mutuellement ?  EVARISTO cultivait en son jardin, des lys et des iris et en a, sans doute, offert un à sa femme. Le tiers inférieur du tableau est traversé par le long bras d’Encarnación, tout d’une pièce. L’accueil de la fleur est marqué par ce bras qui rejoint son mari et lui sert de protection. Encarnación  maîtrisant parfaitement son rôle d’épouse, semble lui dire : « Chevalier, j’accepte votre amour et je vous offre mon cœur ».  Nous retrouvons chez de nombreux peintres, l’expression de  cette position rassurante, protectrice sans être enveloppante du bras. Ici, à Fourvière, on se rappelle bien de Rouault. Et le geste de la main présentant une fleur, c’était souvent un œillet parfois une rose, chez Rembrandt, Dürer, ….
Je suis de plus en plus subjuguée par ce tableau. EVARISTO peint son propre regard sur sa femme et en même temps, il traduit l’étonnement qu’il ressent face à la vérité de ses sentiments qui vont être donnés à voir au spectateur, à travers l’œuvre. Les grands yeux ronds, sa petite taille, son humilité devant l’ampleur de la tâche.  La vie en vérité. Cette œuvre traduit, la vérité du couple, la force de l’amour traversant les crises du quotidien, empruntant les chemins de l’Histoire. Le couple, l’amour qui fécondent la vie et l’Art. Il a habillé cette idée avec des costumes de la cour espagnole, sorte d’hommage à ses ancêtres pour nous dire que cette entité transcende les âges.
Encarnación insolite pèlerin
Pas de fusion dans ce tableau, deux vies singulières marquées par l’oblique verticale. Deux vies qui vont structurer, fonder, créer l’unité, la force, l’existence, la vie d’un couple aussi semées d’embûches soient-elles. Nul décor, uniquement le plaisir esthétique rendu par le vêtement, clin d’œil du passé dans l’actuel de nos vies.

lundi 13 octobre 2014

EVARISTO "Comme tout artiste dont l'oeuvre est le développement de la vie secrète...." CALAFERTE




EVARISTO

Du berger au pèlerin

Accueillie par EVARISTO, le pèlerin !

Séduite par ce tableau, je vais le regarder longtemps, toute la personnalité du peintre devant moi.  EVARISTO est là,  à gauche de la toile, debout. Les cheveux gris au vent, noble allure, les yeux grands, ronds, écarquillés, sur son monde, sur le monde.

Revêtu d’une cape et tenant à la main son bâton, bâton de  jeune berger en Catalogne ou de pèlerin empreint de sagesse sur cette terre ardéchoise. Le bâton parfaitement parallèle à la diagonale montante. Nous y reviendrons (4). Retrouvez les chiffres plus bas dans le texte.
La dominante sombre de l’arrière-plan à la manière caravagesque, dévoile le voyage à la fois tourmenté et apaisé d’une vie, des dures réminiscences persistantes, des attachements. La chauve-souris à peine visible, se déplace au-dessus d’une forme nuageuse, lumineuse. (1) 

La forme close en bas à droite, fenêtre carrée et ronde à la fois (3), trace les contours d’une mer apaisée. Les eaux tranquilles, éclairées par la lumières de la lune qui ne reçoit sa lumière que du soleil mais qui est capable de nous la restituer. (2)
La diagonale descendante nous emmène vers l’intériorité d’EVARISTO, ses souvenirs existentiels de guerre, d’exode, de famine, de terreur, ses points d’appui. Sa force intérieure lui a tracé un chemin, il a visité les musées, regardé avec un regard rond, perçant, scrutant les toiles au Musée de Beaux-Arts de Lyon, de son compatriote Zurbaran. L’écrivain Calaferte parle « du singulier talent d’EVARISTO » page 30 du livre : lignes intérieures, carnets 1974-1977 aux éditions Denoël. Il a su donner à notre terre lyonnaise une œuvre dense, forte et considérable. Calaferte a raté son train en regardant une toile d’EVARISTO dans une galerie ! EVARISTO a été re-connu dans le cercle privilégié des artistes et écrivains lyonnais, majeurs de son époque : Kowalski, Calaferte, Truphémus, Couty…

Sa peinture raconte l’espérance chrétienne.
1 - La lumière jaillit toujours au plus fort des ténèbres.
2 - Ne recevons-nous pas cette lumière de la foi en Dieu par les autres et n’essayons nous pas de retransmettre ?
3 - Cette forme close me rappelle l’intimité du jardin clos des moniales, jardin intérieur, dans lequel se construisent des pensées universelles qui deviennent des guides pour le monde entier. Sans jamais sortir de son cloître, Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus est devenue la patronne des Missions et Sainte-Faustine a renouvelé le recours à la Miséricorde, pour le monde entier.
4 - Revenons au bâton. Parfaitement parallèle à la diagonale montante comme pour souligner et  nous signifier que c’est celle-ci qui est la diagonale importante du tableau, laquelle nous emmène vers la vie. La diagonale de la marche dans la réalité, au milieu de l’adversité si cruelle soit-elle, avec une lumière intérieure qui nous permet d’oser croire en notre parcours. Prenant appui sur le bâton du pèlerin, sur le bâton du Christ, nous avançons.  
                                                                                                                                                     EVARISTO, l'homme debout, accueille le visiteur. Son œuvre nous interpelle et nous humanise. Venez au Musée de Fourvière pour vous laisser toucher par 92 œuvres de l'artiste.

Et sans cesse, en méditant et contemplant cette toile, me reviennent les paroles du Ps 23.
Tu m’emmènes vers les eaux du repos…..
Passerai-je un ravin de ténèbres…..
Ton bâton, ton appui sont là qui me rassurent…..
Je reviendrai à la maison du Seigneur  pour de longs jours.