FOURVIERE ET SA FORET DE RELIQUAIRES
Exposition au Musée d’Art
Religieux présentée en 2014.
Je traverse la forêt des reliquaires, staurothèques, monstrances, Châsses, temples, Agnus Dei, jardins clos, la forêt de
ces réceptacles diffusant les vertus de saints hommes et femmes. Ils sont là,
debout, vivants et me guident au hasard des visiteurs. « Là, où les saints passent, Dieu passe » avait dit le
curé d’Ars. Les visiteurs et moi-même, venons-nous rencontrer Dieu en compagnie
de leurs reliques ou « restes » ?
Je rencontre une dame mexicaine
accompagnée de son mari, qui déplie méticuleusement des carrés de tissu
parfaitement repassés et les approche de chaque reliquaire avec une attention,
un soin, un recueillement infinis.
Je m’entretiens avec une
protestante. Elle ne vénère pas les reliques. Nous parlons de l’Ancien
Testament, du manteau d’Elie qui a ouvert les eaux du Jourdain. Nous parlons
d’Elisée. Au contact de ses ossements, un moabite est revenu à la vie. Elle a
été la seule personne rencontrée lors de l’exposition, qui connaissait ces
épisodes du livre des Rois. Heureux œcuménisme ! Nous les cathos, nous
avons à apprendre à lire toute la Bible
au contact des protestants.
Et voilà, une historienne de
l’Art, une vraie ! Elle travaille dans le monde de la Culture à la ville
de Lyon. J’en arrive à lui parler du grand reliquaire donné par le Cardinal de
Bonald pour la chapelle de l’Hôtel-Dieu. Il est poussiéreux et ça me désole.
Elle m’assure qu’il va être restauré. Voilà une bonne nouvelle !
J’ai croisé un jeune homme
descendant du Curé d’Ars, venu avec ses tantes américaines. Je leur montre le
petit catéchisme de Jean-Marie Vianney. Elles sont très touchées. Lui, il tombe
des nues quand je lui dis que son ancêtre a fait connaître ce petit village
d’Ars dans le monde entier. Il va se pencher sur sa vie, me dit-il. L’a-t-il
fait ?
Les lyonnais sont ravis
d’apprendre que le premier livre imprimé à Lyon en vieux français, en 1476,
est : La légende dorée de Jacques
de Voragine. Ce manuel hagiographique relate la vie de 150 saints, et a été
traduit du latin.
Quenicius martyr, Sainte-Ursule,
patronne de la chapelle de la Sorbonne à Paris et sa magnifique légende (ou
histoire ?), Saint-Patient, évêque de Lyon, Saint-François de Sales dont
le magnifique buste-reliquaire nous introduit à la paisible vertu de douceur,
les reliques dominicales… Et bien sûr, j’évoque à mes visiteurs, Saint-Louis,
homme politique, roi, chantre de la justice et artisan de paix ; Il ramène
en toute humilité, la couronne d’épines et l’enserre dans un écrin : la
Sainte Chapelle ; Incroyable Chapelle, au milieu d’un immense palais de
justice ; clin d’œil rappelant à une société française, laïque, que la
vraie Justice vient de Dieu.
Quelle découverte ! Les
jardins clos des moniales nous livrent au travers de superbes œuvres d’art à
base de papiers de bible roulés, les méditations, contemplations de celles qui
se sont totalement tournées vers le Christ et prient pour le monde.
Un éminent visiteur, en costume
trois-pièces, vient me raconter l’historique du musée ; j’ai oublié de lui
dire : « Je n’ai pas l’honneur de vous connaître ? ». Il
m’aurait alors, décliné son identité.
En pérégrinant au gré de cette
exposition, j’ai laissé advenir en moi, l’expérience intime que l’on peut avoir
au contact de personnes ayant vécu des
vertus particulières. Heureuses Béatitudes. Tout comme mon collier me renvoie à
mon grand-oncle parti au XIXème siècle, sur l’Océanien, en mission d’évangélisation de la Chine.
Devenu sinologue réputé, Evêque de Pakhoï, il avait selon ses amis, « la
Bonté en partage »
Je pense à Baudelaire, à ses Correspondances, et replace sa poésie
dans cette forêt de reliquaires, loin de l’environnement naturel.
La nature est un temple où de vivants
piliers
Laissent parfois sortir de confuses
paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de
symboles
Qui l’observent à travers des regards
familiers.